LA DOULEUR CHEZ LES PERSONNES ÂGÉES : UN SYMPTÔME TRÈS FRÉQUENT !
La grande fréquence de la douleur chez le sujet âgé est aujourd’hui prouvée par de nombreuses enquêtes, en Europe comme Outre-Atlantique. Qu’elle soit aiguë ou chronique (ostéoarticulaire, cutanée, neuropathique,…) ou même purement palliative (en cancérologie, en phases terminales de pathologies démentielles ou d’insuffisance terminale d’organe), la prévalence varie de 40 à 85 % selon les situations. La proportion de personnes âgées douloureuses correctement soulagées est au mieux de 50 %. Ce pourcentage tombe à 20 % lorsqu’il s’agit d’une personne âgée démente et présentant des algies non cancéreuses.
Face à ce désintérêt, l’évaluation sérieuse de ce symptôme devient une nécessité médicale, éthique et médico-légale, car les dangers d’une simple estimation de la douleur sont bien connus, en particulier le risque fréquent de sous-estimation.
Quand bien même saurait-on traiter la douleur, encore faut-il la reconnaître…
EVALUER LA DOULEUR CHEZ LA PERSONNE AGEE NE DOIT PAS SE LIMITER A LA SIMPLE AUTO-EVALUATION !
Les outils d’auto-évaluation sont bien diffusés aujourd’hui, mais leurs limites d’utilisation chez la personne âgée sont nombreuses :
– Surestimation des facultés d’abstraction :
La personne âgée a du mal à comprendre ce concept d’évaluation (auto-évaluation du ressenti douloureux). « Quel est le rapport entre une réglette, un curseur et ma douleur ? ». Concernant l’échelle numérique, la personne âgée est parfois incapable de concevoir la relation entre une note et l’intensité de sa douleur. Pour les échelles de vocabulaire (Questionnaire Douleur St Antoine notamment), le niveau socio-culturel et cognitif interfèrent largement.
– Troubles de la mémoire :
Ceux-ci présentent un inconvénient évident dans l’utilisation de l’échelle verbale relative (EVR), puisqu’il y a comparaison de deux ressentis à des temps d’évaluation différents.
– Des conditions de passation souvent peu optimales (environnement bruyant, explications de l’outil non adaptées à l’état cognitif ou trop rapides, lunettes et prothèses auditives non portées).
– Manque de sensibilité :
Il y a souvent sous-évaluation de l’intensité douloureuse par crainte de déranger ou par préjugé (tant de la part des patients que des soignants).
– Manque de spécificité :
La personne âgée a tendance à évaluer les conséquences fonctionnelles de sa douleur (gêne, handicap) plutôt que l’intensité douloureuse. Il lui arrive aussi de se servir de l’outil pour localiser la douleur. A l’inverse, il peut y avoir un risque de surévaluation en cas d’anxiété, d’hypochondrie ou d’hystérie.
Les défauts de compréhension, de participation et de communication (troubles sensoriels, troubles de la vigilance, coma, aphasie, démences, troubles comportementaux…) rendent ces outils d’auto-évaluation difficiles à utiliser par les soignants, en sachant que l’échelle verbale simple semble la plus adaptée en gériatrie.
En effet, l’étude de Pesonen and al de 2009 montre que tous les patients ayant un score au MMS>24 sont capables de s’auto-évaluer avec l’échelle verbale simple. Ils sont encore de 64 à 85 % à pouvoir le faire avec un MMS<17.
Chez la personne âgée, les recommandations (Herr 2011) préconisent de coupler l’auto et l’hétéro-évaluation chez la personne âgée pour éviter de méconnaître une douleur.