L’échelle Doloplus

Échelle d’évaluation comportementale de la douleur chez les personnes âgées présentant des troubles de la communication verbale, DOLOPLUS se présente sous la forme d’une fiche d’observation comportant dix items répartis en trois sous-groupes, proportionnellement à la fréquence rencontrée (cinq items somatiques, deux items psychomoteurs et trois items psychosociaux).

Chaque item est coté de 0 à 3 (cotation à quatre niveaux exclusifs et progressifs), ce qui amène à un score global compris entre 0 et 30.

La douleur est clairement affirmée pour un score supérieur ou égal à 5 sur 30.

Ne pas recourir systématiquement à l'échelle DOLOPLUS en court-circuitant l'auto-évaluation.

Lorsque la personne âgée est communicante et coopérante, il est logique d’utiliser les outils d’auto-évaluation.
Coupler l’auto et l’hétéro-évaluation évitera la sous-estimation.

Conseils d’utilisation

L'utilisation nécessite un apprentissage.

Comme pour tout nouvel outil, il est judicieux de l’expérimenter avant de le diffuser.
Devant tout changement de comportement, le soignant pensera à utiliser l’échelle. Le temps de cotation diminue avec l’expérience (quelques minutes au maximum). Lorsque c’est possible, il est utile de désigner une personne référente dans une structure de soins donnée.

Coter en équipe pluridisciplinaire de préférence

Que ce soit en structure sanitaire, sociale ou à domicile, la cotation par plusieurs soignants de profession différente est préférable. La cotation systématique à l’admission du patient servira de base de référence.
A domicile, on peut intégrer la famille et les autres intervenants, en s’aidant d’un cahier de liaison, du téléphone, voire d’une réunion au lit du malade.
L’échelle est à intégrer dans le dossier « soins » ou le « cahier de liaison ».

Ne rien coter en cas d'item inadapté

Il n’est pas toujours possible d’avoir d’emblée une réponse à chaque item, en particulier face à un patient inconnu dont on n’a pas encore toutes les données, notamment sur le plan psychosocial. On cotera alors les items possibles, la cotation pouvant s’enrichir cependant au fil du temps.

Les comportements passifs

Ils sont moins évidents à repérer  mais tout aussi parlants et importants que les comportements productifs ; par exemple, les troubles du comportement peuvent s’exprimer sur un mode de repli et pas seulement sur un mode hyperactif  tel que l’agressivité inhabituelle.

La cotation d'un item isolé

Elle n’a pas de sens; c’est le score global qui est à considérer.
Mais si celui-ci se concentre sur les derniers items, la douleur est peu probable.

Ne pas comparer les scores de patients

La douleur est une sensation et une émotion subjective et personnelle. La comparaison des scores entre patients n’a donc aucun sens.
Seule l’évolution des scores d’un patient donné nous intéresse.

Établir une cinétique des scores

La réévaluation sera quotidienne jusqu’à sédation des douleurs puis
s’espacera ensuite en fonction des situations.
Établir une cinétique des scores en la faisant apparaître sur la feuille de soins (au même titre que la température ou la tension artérielle) sera un argument primordial dans la prise en compte du symptôme et dans la mise en route du traitement.

En cas de doute, ne pas hésiter à faire un test thérapeutique antalgique adapté

On admet qu’un score supérieur ou égal à 5/30 signe la douleur. Pour les scores inférieurs à ce seuil, il faut laisser le bénéfice du doute au malade; si le comportement observé change avec la prise d’antalgique, la douleur sera donc incriminée.

L'échelle cote la douleur, et non la dépression, la dépendance ou les fonctions cognitives

Il existe de nombreux outils adaptés à chaque situation, et il est
primordial de comprendre que l’on cherche à repérer les changements de comportement liés à une éventuelle douleur.
Ainsi, pour les items 6 et 7, on n’évalue pas la dépendance ou l’autonomie, mais bien la douleur.

Lexique

Plaintes somatiques

Le patient exprime sa douleur par la parole, le geste, les cris, les pleurs ou les gémissements.

Positions antalgiques

Positions corporelles inhabituelles visant à éviter ou à soulager la douleur.

Protection des zones douloureuses

Le malade protège une ou plusieurs zones de son corps par une attitude ou certains gestes de défense.

Mimique

Le visage semble exprimer la douleur au travers des traits (grimaçants, tirés, atones) et du regard (regard fixe, vide, absent, larmes).

Sollicitation

Toute sollicitation quelle qu’elle soit (approche d’un soignant, mobilisation, soins, etc.)

Toilette / Habillage

Évaluation de la douleur pendant la douleur et/ou l’habillage, seul ou avec aide.

Mouvements

Évaluation de la douleur dans le mouvement : changement de position – transferts – marche, seul ou avec aide.

Communication

Verbale ou non verbale

Vie sociale

Repas, animations, activités, ateliers thérapeutiques, accueil des visites, etc.

Troubles du comportement

Agressivité, agitation, confusion, indifférence, glissement, régression, etc.

Itératif

Un comportement est itératif s’il se répète plusieurs fois (donc sans être continu)

Une échelle validée

L’utilisation d’une échelle non validée ou ayant de mauvaises propriétés psychométriques mène à des extrapolations erronées. Ainsi tout instrument de mesure, pour être utilisable en pratique, doit être validé. Ce qui revient à vérifier qu’il donne un résultat sensible, reproductible, fiable et spécifique.

Le clinicien, avant d’utiliser un outil, doit s’assurer que celui-ci a de bonnes qualités psychométriques (cf Hadjistravopoulos et al 2006).

L’échelle Doloplus est la première échelle d’hétéro-évaluation de la douleur chez la personne âgée ayant des troubles de la communication verbale à avoir été  validée en Français en janvier 1999 et publiée (Lefebvre- Chapiro 2001). Quinze gériatres français et suisses formés aux soins palliatifs et à la douleur, dirigés par un biostatisticien, ont étudié une population de personnes âgées de plus de 65 ans ayant des troubles de la communication verbale ou du comportement, sauf pour l’étude de la validité convergente (nécessité dans ce cas de pouvoir s’auto-évaluer). L’étude est multicentrique (15 centres différents avec des unités de médecine gériatrique ou non, des services de soins palliatifs, des centres de soins de suite et de long séjour gériatriques, des services de réadaptation gériatrique et des maisons de retraite). Elle a débuté en mars 1995 pour s’achever en janvier 1999.
Les 510 personnes âgées avaient entre 65 et 101 ans et ont été cotées avec l’échelle Doloplus de 1 à 3 fois selon les tests, ce qui représente plus de 1000 cotations au total. Les différentes étapes de la validation statistique ont porté sur l’étude de la reproductibilité (fiabilité test-retest et fiabilité inter-juges), de la sensibilité (par item et de façon globale) de la validité convergente et de la cohérence interne.

Pour des données chiffrées plus détaillées, merci de vous reporter à la publication suivante :
WARY B.,SERBOUTI S., « Doloplus : validation d’une échelle d’évaluation comportementale de la douleur chez la personne âgée ». Revue Douleurs, 2001, 2 ; 1 :35-38.

Le temps de la simple estimation de la douleur est révolu. Les échelles d’hétéro-évaluation viennent combler aujourd’hui les champs d’investigation laissés vacants par les outils d’auto-évaluation. La validation de l’échelle Doloplus n’est qu’une étape dans ce combat de chacun pour faire reculer les inégalités dans la prise en compte de la douleur, en particulier chez les personnes âgées ayant des troubles de la communication verbale.

Vos questions

Vous trouverez ci-dessous les questions les plus couramment posées au sujet de DOLOPLUS. 
Si toutefois, après avoir exploré le site et les conseils d’utilisation en particulier, vous aviez encore des interrogations quant à son utilisation ou si vous vouliez avoir d’autres éclairages qu’il s’agisse du développement à l’international, de la validation de l’échelle, vous trouverez un réponse appropriée en contactant la personne concernée à la rubrique « contactez-nous ».

Qui cote et à quel rythme ?

Tout changement de comportement doit faire évoquer la douleur et tout soignant peut donc être amené à faire de l’évaluation comportementale. 
L’outil n’est pas réservé au médecin, la cotation pluridisciplinaire étant la plus judicieuse. 
L’évaluation sera au moins quotidienne jusqu’à sédation des douleurs et plus au moins espacée en cas de stabilisation des comportements. 
Il est important d’établir une cinétique des scores.

Un soignant intervenant seul à domicile peut-il utiliser DOLOPLUS ?

La cotation en équipe pluridisciplinaire est préférable mais  l’utilisation par des soignants isolés est possible (toujours plus judicieux qu’une simple estimation). 
Il faut s’aider des informations recueillies auprès de la famille et d’autres intervenants (cahier de liaison, conversation téléphonique, réunion programmée au lit du malade).

Quelle est la durée de cotation ?

Les soignants en gériatrie sont des spécialistes de l’évaluation dont la boîte à outils est souvent bien garnie. 
Citons le Mini Mental State de Folstein, le catalogue mictionnel, les grilles de dépendance, le  score d’Hamilton, l’indice de Karnowski, les échelles d’auto-évaluation de la douleur, etc. 
D’où quelques réticences initiales à rallonger la liste. 
Pour les soignants  » entraînés « , la durée de cotation varie de 2 à 5 minutes au maximum. 
Si cela aboutit à la prise en charge de la douleur, ce sont des heures de gémissements, cris, agitation et soins fastidieux qui sont évités. 
Le gain est évident.

Y-a-t-il un lien entre le score DOLOPLUS et l'antalgique à prescrire ?

Une échelle d’évaluation de la douleur répond uniquement à la question :  » cette personne âgée a-t-elle mal ou non ?  » 
Dissocier la prescription d’un antalgique du score d’évaluation ; le vécu de la douleur étant strictement individuel, seule la cinétique des scores nous renseignera sur l’adéquation du traitement antalgique.

Un score bas exclut-il la douleur ?

L’échelle DOLOPLUS a ses limites et il est bon de laisser le bénéfice du doute au malade. 
Pour les scores compris entre 1 et 4/30, faire un test pharmacologique à visée antalgique. 
L’utilisation d’autres outils à la recherche d’une autre étiologie que la douleur aux changements de comportement observés, les traitements d’épreuve et l’évaluation pluridisciplinaire répétitive sont précieux pour poser un diagnostic le plus judicieux possible.

Peut-on utiliser l'échelle DOLOPLUS pour d'autres populations ?

Non, mais… Il n’existe actuellement pas d’échelle comportementale pour évaluer la douleur chez l’adulte psychiatrique ou comateux par exemple. 
Les comportements étant assez spécifiques d’une population donnée, il faudrait réserver l’échelle DOLOPLUS aux malades âgés. 
Si l’absence d’outil d’hétéro-évaluation pour d’autres populations autorise l’utilisation quelque peu abusive de DOLOPLUS, elle doit surtout inciter à la recherche d’outils adaptés à chaque type de population.

Doloplus cote-t-elle la douleur aiguë ?

Elle est plutôt réservée aux états douloureux chroniques.
Toutefois dans les cas suspects de douleur aiguë mais avec une cotation zéro à l’échelle Algoplus, il est conseillé de pratiquer une échelle Doloplus pour ne pas méconnaître une douleur chronique. L’algorythme couplant les deux échelles est consultable sur le site.

CAS CLINIQUES

Les cas cliniques sont classés par ordre de difficultés croissantes en fonction de l’apprentissage réalisé.

Télécharger le fichier PDF de chaque cas clinique.

Savoir utiliser l’échelle DOLOPLUS

Le comportement de Monsieur D., âgé de 87 ans, s’est modifié dernièrement. Atteint d'une démence de type Alzheimer depuis maintenant sept ans, il réside en Unité de Long Séjour Gériatrique depuis cinq ans et ne présente pas d'autre pathologie connue.

Douleurs versus dépression

Madame R., 82 ans, est admise en unité de court séjour au Pôle de Gériatrie pour baisse d'autonomie et soins d'escarres.

ALGOPLUS et DOLOPLUS

Mme K., 86 ans, veuve, est décrite comme une femme active, membre de plusieurs associations dans son village. Malheureusement, au cours de l’été, la famille constate une altération des fonctions supérieures avec des troubles de la mémoire, des troubles du comportement et des phases confusionnelles ; s’y associent des troubles praxiques, notamment à la marche.

ALGOPLUS et DOLOPLUS

Madame Y., âgée de 89 ans, aux ATCD polyvasculaires dans un contexte de diabète de type 2 découvert il y a 2 ans, a fait récemment un infarctus responsable d'un AVC partiellement régressif avec dysarthrie séquellaire et syndrome confusionnel.