L’échelle Algoplus

Echelle d’évaluation comportementale de la douleur aiguë chez la personne âgée présentant des troubles de la communication verbale

L’échelle ALGOPLUS a été spécifiquement développée pour  évaluer et permettre la prise en charge des douleurs aiguës chez un patient âgé pour tous les cas où une auto évaluation fiable n’est absolument pas praticable (troubles de la communication verbale).

L’utilisation d’ALGOPLUS est ainsi particulièrement recommandée pour le dépistage et l’évaluation des : 
– pathologies douloureuses aiguës (ex : fractures, en post-opératoire, ischémie, lumbago, zona, rétentions urinaires…)
– accès douloureux transitoires (ex : névralgies faciales, poussées douloureuses sur cancer…) 
– douleurs provoquées par les soins ou les actes médicaux diagnostiques

L’échelle comporte cinq items (domaines comportementaux d’observation). La présence d’un seul comportement dans chacun des items suffit pour coter «oui » l’item considéré. La simple observation d’un comportement doit impliquer sa cotation quelles que soient les interprétations étiologiques éventuelles de sa pré existence.

En pratique, pour remplir la grille, observer dans l’ordre : les expressions du visage, celles du regard, les plaintes émises, les attitudes corporelles et enfin le comportement  général.

Chaque item coté « oui » est compté un point et la somme des items permet d’obtenir un score total sur cinq. La cotation peut être réalisée en moins d’une minute dans 80% des cas. Un score supérieur ou égal à deux établit la présence d’une douleur avec une sensibilité de 87% et une spécificité de 80% et permet donc d’instaurer de façon fiable une prise en charge thérapeutique antalgique. Il est ensuite nécessaire de pratiquer régulièrement de nouvelles cotations afin de vérifier l’efficacité du traitement antalgique. La prise en charge est satisfaisante quand le score redevient strictement inférieur à deux.

Erreurs fréquemment rencontrées

Difficultés de repérage : 
ex : agrippement doit être coté « oui » quel que soit le support d’agrippement (patient lui-même, soignant ou tout autre support).

Cotation en fonction d’une interprétation étiologique du signe et non pas sur sa simple présence : 
ex : l’item « plaintes » coté « non » parce que le cri du patient est attribué à la démence ou parce que le patient crie depuis longtemps. 
ex : l’item « comportements » coté « non » parce que l’agrippement à la barrière de protection est attribué à la peur de tomber.

La validation de l’échelle

L’échelle a été validée sur 349 patients et publiée (Rat et al 2011) :

  • – Elle présente une bonne consistance interne (KR-20 = 0.712), une excellente validité pour discriminer les patients douloureux de ceux non douloureux (p < 0.0001), une corrélation hautement significative (p < 0.0001)avec les échelles d’auto-évaluation (EVA, EVN, EVS), une très bonne fiabilité inter-juges (ICC= 0.812), une excellente sensibilité (p < 0.0001) au changement avant-pendant les mouvements et avant-après prise en charge thérapeutique (Rat et al 2011)
  • – La sensibilité (= capacité de détecter la présence d’une douleur) et la spécificité (certitude d’une douleur) de l’échelle ont été testées dans différents services de soins chez les patients avec ou sans trouble de la communication verbale et selon 2 valeurs de score seuil (Cut-off).

Les meilleures résultats (cf. tableau) ont été retrouvés lorsque le score seuil est de 2 et pour les patients hospitalisés dans les services de court-séjours (96%  de sensibilité, 86 % de spécificité). La sensibilité est plus faible (69%) dans les services de long-séjours probablement parce que les douleurs chroniques y sont plus fréquentes que dans les court-séjours (Cf. étude Caldol, limites de l’échelle ALGOPLUS, Martin et al 2016) : dans ce type de services il peut être alors judicieux d’améliorer la sensibilité de détection de la douleur en utilisant des échelles comportementales possédant un plus grand nombre d’items (cf. algorithme d’évaluation, Rat et al 2014)

Scores Algoplus en fonction des unités de gériatrie

Note : à un score seuil de 2, la sensibilité de l’échelle (détection) est exceptionnelle (100%) dans les services d’accueil aux urgences (SAU) mais au prix d’une faible spécificité (53% seulement de certitude sur la présence d’une douleur), c’est pourquoi un score seuil de 3 est recommandé  aux urgences pour la mise en place d’un traitement de palier 3 ( en effet compte tenu de la fréquence et de la gravité potentielle des  effets indésirables entraînés chez le sujet âgé par ce type de traitement, la prescription ne doit être envisagée qu’en ayant la certitude d’une douleur).

La fiabilité inter-juge

Une étude multicentrique (23 centres) portant sur 533 évaluations (281 patients) a  comparé la fiabilité inter-juges de l’échelle (= évaluation simultanée d’un même patient effectuée avec ALGOPLUS par 2 cotateurs différents mais sans aucune concertation entre eux).

  • – ALGOPLUS présente une excellente fiabilité inter-juge:

ALGOPLUS score total ICC = 0.889
La concordance de cotation est totale pour 60% des paires de cotateurs. Ce pourcentage passe à 87% pour un écart d’un point entre les 2 cotations.

  • – 5 types différents de paires de soignants ont été ainsi évalués (cf. tableau)  :
  • – La fiabilité inter-juge selon l’expérience professionnelle ne diffère pas significativement :
    < 5 vs > 5 ans d’ancienneté : ICC = 0.91 vs 0.87
    <10 vs >10 ans d’ancienneté : ICC = 0.93 vs 0.88
  • – De même la fiabilité inter-juge selon que les soignants ont bénéficié ou non d’une formation spécifique (en gériatrie ou dans le domaine de la douleur, mais pas de façon spécifique sur ALGOPLUS ) est acceptable même si les soignants n’ont reçu aucune formation et est excellente lorsque les 2 cotateurs sont formés:

ICC =  0.76 (pas de formation)
ICC = 0.77 (1 cotateur formé)
ICC = 0.91 (les 2 cotateurs ont reçu une formation spécifique)

Détection de la douleur avec ALGOPLUS chez les patients âgés déments ou dépressifs (Bonin-Guillaume et al 2016)

Etude multicentrique (6 centres) portant sur 171 patients et comparant les qualités psychométriques d’ALGOPLUS  dans 4 sous groupes de patients : déments non dépressifs, déments et dépressifs , dépressifs non déments  et non dépressifs non déments (groupe contrôle).

En dépit de scores moyens globalement plus élevés par rapport au groupe contrôle, ALGOPLUS© démontre de  bonnes qualités psychométriques  chez les patients âgés déments ou déments et dépressifs (cf. tableau) :

La dépression influence cependant négativement la cotation des items (seuls 2 items diffèrent significativement entre dépressifs douloureux et dépressifs non douloureux). La sensibilité de détection de la douleur est également affectée (cf. tableau).

Dans ces conditions, le recours à des outils complémentaires évaluant spécifiquement la dépression (GDS, ERD 14..) est recommandé.

Néanmoins, cette étude confirme que la valeur du score seuil retenue lors de l’étude de validation de l’échelle ALGOPLUS permet également de détecter de façon fiable la présence de la douleur aiguë chez les patients âgés  déments ou déments et dépressifs et en conséquence, d’instaurer les thérapeutiques antalgiques.

Appropriation de l’échelle ALGOPLUS par les soignants (Vieillard et al 2017)

L’utilisation de l’échelle a été étudiée au moment de son introduction dans un SSR puis après 3 mois. L’étude a montré une bonne appropriation de l’outil (cf. figure) :

Des résultats similaires ont été obtenus depuis dans un autre SSR (26% à 3 mois contre 0% à l’introduction)

Ceci démontre que les soignants s’approprient facilement l’échelle surtout si on met en perspective ces chiffres avec ceux obtenus lors de l’enquête pratiquée en 2006 par l’HAS dans des services volontaires (seulement 10% d’utilisation des échelles comportementales type DOLOPLUS ou ECPA) ou avec le pourcentage idéal d’hétéro évaluations qui seraient rendues théoriquement nécessaires dans ces 2 SSR par le nombre réel de patients ayant des troubles de la communication verbale (Cf. environ 40%).

Réalisation d’un film de formation à ALGOPLUS

L’expérience d’appropriation de l’échelle ALGOPLUS par les soignants (Vieillard et al 2017) et une enquête nationale (Interviews de soignants SFETD sur l’utilisation d’ALGOPLUS) ont mise en évidence les difficultés rencontrées lors de l’évaluation des patients âgées avec troubles de la communication verbale:

Repérage des patients ayant des troubles de la communication verbale

Reconnaissance de certains des comportements cités par l’échelle ALGOPLUS

Choix de l’échelle comportementale à utiliser : facilité et rapidité de passation  mais  risque de sous-estimation de la douleur avec les échelles ayant un petit nombre d’items versus sous-utilisation et risque de surestimation avec les échelles possédant un grand nombre d’items (cf. avantages/inconvénients  des échelles comportementales : Michel et Rat , évaluation de la douleur chez la personne âgé ; Douleurs et personnes âgées, coordonné par G. Pickering ; éditeur : institut UPSA-Douleur 2010).

Pour répondre à ces questionnements, le collectif a élaboré un film comportant  les chapitres suivants :

Film 21 minutes :

Utilisation d’ALGOPLUS aux Urgences : Dr Arnaud Delpil-Duval (SAU, Evreux), exemple de cotation

Présentation de l’échelle ALGOPLUS : Dr Patrice RAT (Douleur et Gériatrie, Marseille)

Utilisation des échelles comportementales: Dr David Lussier (Gériatrie, Montréal)

Utilisation d’ALGOPLUS dans les services de gériatrie: Dr Sylvie Chapiro, Florine Courtin IDE et Sabrina de Campos AS (Douleur, Gériatrie et Soins Palliatifs, Paris), exemple de cotation

Collectif DOLOPLUS: Dr Bernard Wary (Soins Palliatifs, Metz-Thionville)

Algorithme d’utilisation des échelles comportementales: Dr Cyril Guilaumé (Douleur et Soins Palliatifs, Caen)

CAS CLINIQUES

Les cas cliniques sont classés par ordre de difficultés croissantes en fonction de l’apprentissage réalisé.

Télécharger le fichier PDF de chaque cas clinique.

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Évaluation de la douleur d’une patiente âgée de 87 ans suite à une AVC (Accident Vasculaire Cérébral) dans l’unité de court séjour du Pôle de Gériatrie.

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